Malgré l’inflation et une conjoncture de la construction florissante, la moitié des travailleurs de la construction n’ont rien reçu

48% des travailleurs de la construction interrogés n'ont reçu aucune augmentation de salaire

Les travailleurs sont déçus et en colère. L’année dernière, le secteur principal de la construction était l’une des rares branches où les employeurs ont refusé une augmentation générale des salaires. L’étude sur les salaires réalisée par les syndicats Unia et Syna le montre: près de la moitié des travailleurs de la construction ont donc reçu zéro franc d’augmentation de salaire en 2024. Leurs salaires réels ont baissé de plus de 2 pour cent malgré leur travail pénible et une conjoncture de la construction florissante. Il n’est donc pas étonnant que pratiquement aucune autre branche ne soit confrontée à une pénurie de personnel aussi marquée. Les travailleurs de la construction demandent pour cet automne une augmentation significative de leur salaire réel.

Les chiffres d’affaires dans le secteur principal de la construction atteignent des records, les carnets de commandes sont pleins et les prix de la construction ont augmenté. De plus, la branche est confrontée à un manque criant de personnel qualifié. Aujourd’hui déjà, des milliers de professionnels qualifiés font défaut. D’ici 2040, le déficit de maçons et de chefs d’équipe atteindra plus de 30 pour cent. Un emploi sur trois restera donc inoccupé. Cela s’explique notamment par la désertion dramatique de la branche. Ainsi, un maçon qualifié sur deux quitte la branche de la construction, souvent quelques années seulement après la fin de l’apprentissage. «Longues journées de travail, augmentation de la pression, baisse du pouvoir d’achat. Les perspectives d’avenir du beau et fier métier de maçon s’assombrissent de plus en plus», constate Chris Kelley, coresponsable du secteur Construction du syndicat Unia.

La vie devient plus chère

Alimentation, loyers, primes d’assurance maladie : pour les maçons aussi, beaucoup de choses deviennent plus chères. Ainsi, le niveau général des prix est aujourd’hui supérieur de 7% à ce qu’il était fin 2020. Les prix de l’énergie ont même augmenté de 60 pour cent, ceux du carburant de 30 pour cent. Quant aux primes d’assurance maladie, elles ont augmenté de 15 pour cent rien que depuis 2022. Et enfin, les loyers ont augmenté de presque 3 pour cent au cours des douze derniers mois, soit entre avril 2023 et avril 2024. «Á la fin du mois, les travailleurs de la construction ont de moins en moins d’argent dans leur porte-monnaie. Des augmentations générales pour tous sont plus que jamais nécessaires», souligne Guido Schluep, coresponsable de la branche Construction du syndicat Syna.

Dans pratiquement toutes les branches, des augmentations générales ont été accordées qui étaient parfois nettement supérieures au renchérissement. Mais pas dans une branche: le secteur principal de la construction. Ici, la Société suisse des entrepreneurs a catégoriquement refusé une augmentation générale des salaires et a rompu les négociations l’automne dernier.


Résultats effrayants de l’enquête sur les salaires

Ces dernières semaines, les syndicats Unia et Syna ont mené une vaste enquête sur les chantiers.  «Le résultat est effrayant: 48 pour cent des travailleurs de la construction n’ont pas eu un seul franc d’augmentation de salaire. Ils subissent cette année une baisse de leur salaire réel de plus de 2 pour cent. Plus de 90 pour cent des travailleurs de la construction ont reçu moins que la compensation du renchérissement sur le salaire moyen. Seuls quelques-uns ont reçu une augmentation modérée du salaire réel», explique Nico Lutz, responsable du secteur Construction du syndicat Unia, résumant le résultat de l’enquête (voir graphique).

En ce qui concerne les entreprises, on constate que 73 pour cent (y compris les sous-traitants et les sociétés de travail temporaire) n’ont accordé aucune augmentation, 18 pour cent ont accordé des augmentations individuelles, 2 pour cent des augmentations générales et 7 pour cent ont octroyé à la fois des augmentations individuelles et générales.

«Avec sa politique, la Société suisse des entrepreneurs nuit aussi aux entreprises correctes qui accordent des augmentations de salaire», indique Nico Lutz. Sans hausse générale des salaires, les coûts salariaux augmentent uniquement pour ces entreprises. D’autres entreprises qui font pression sur les salaires profitent d’avantages sur le marché. C’est précisément parce que la Société suisse des entrepreneurs souligne régulièrement les faibles marges dans le secteur de la construction qu’il serait dans son intérêt de convenir d’augmentations salariales générales.

La baisse des salaires réels est d’autant plus dramatique que les salaires ont déjà diminué durant la période entre 2016 et 2022. C’est ce que montre une évaluation spéciale des données de l’enquête sur la structure des salaires 2022, publiées le 12 mars 2024 par l’Office fédéral de la statistique.

«Malgré leur dur travail et leur énorme engagement, la plupart des travailleurs de la construction gagnent aujourd’hui moins en termes réels qu’avant 2016. Une baisse des salaires dans l’un des métiers les plus pénibles de Suisse, personne ne comprend cela. Il n’est pas étonnant que les travailleurs soient déçus et en colère.», résume Nico Lutz.

En automne 2024, des augmentations générales des salaires sont nécessaires
Le secteur principal de la construction se distingue aussi des autres professions par une évolution des salaires inférieure à la moyenne. La Société suisse des entrepreneurs souligne certes régulièrement le niveau élevé des salaires d’embauche. Mais elle omet de dire que les salaires dans le secteur principal de la construction augmentent faiblement avec les années et que, à partir de 45 ans, ils sont inférieurs à la moyenne pour les métiers de la construction. C’est aussi pour cette raison que Simon Constantin, membre de la direction du secteur Construction d’Unia, demande lors de la conférence de presse: «Lors des négociations salariales de l’automne 2024, une augmentation des salaires pour tous est nécessaire. Elle doit être plus élevée que le renchérissement et également tenir compte du retard salarial de ces dernières années.» Les membres de la base des syndicats fixeront la revendication salariale exacte en juin 2024, dès que des prévisions du renchérissement consolidées pour 2024 seront connues.